Laissez-les jouer ! Décryptage du « jeu libre » en lieux d'accueil

Le jeu « libre » est un concept très en vogue qui prend en considération les dernières découvertes neuroscientifiques. En pratique, s’agit-il de supprimer toute limite et de laisser l’enfant livré à lui-même ? Quel rôle cette pratique réserve-t-elle aux professionnelles de la petite enfance ?

Décryptage et déconstruction des préjugés avec Marie Defrance*, spécialiste du sujet.

S’inspirer des dernières études en neurosciences pour contrer les idées reçues

En France, l’approche sociologique domine depuis longtemps les études liées à la petite enfance. Cela a produit beaucoup de théories éducatives se nourrissant de pédagogie et de psychologie. Or, tout cela est bien trop compliqué pour le cerveau immature d’un enfant. « On se trompe d’objectif en voulant absolument traquer des progrès chez l’enfant. Plaquer un modèle scolaire en lieux d’accueil, où l’enfant devrait respecter des règles, rester assis, partager et progresser ne peut que conduire à la frustration », explique Marie Defrance.

Les dernières découvertes neuroscientifiques, notamment américaines, le prouvent. Elles montrent à quel point le cerveau est stimulé et se construit par les expériences physiques et sensorielles. Plus on touche, plus on bouge, mieux notre cerveau est stimulé et mieux il se développe.

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En un mot, pour apprendre le monde, il faut l’explorer.

Revoir son positionnement professionnel

Mais comment laisser les enfants explorer lorsque l’on est pris d’une envie irrépressible de leur donner des consignes, de leur rappeler les règles de sécurité et de les leur faire respecter ? Comment imposer un nouveau modèle à des parents peu convaincus ?

Expliquer quels sont les bénéfices de cette approche permet souvent de la faire accepter. Pour cela, les professionnelles de la petite enfance doivent procéder à un changement de posture. Il faut accepter, souligne Marie Defrance, de réduire la liste de ses supposées missions – les professionnelles n’ont pas pour vocation d’apprendre à parler à l’enfant, de le rendre propre, poli, partageur, etc. Elles ont pour seules missions de :

• Installer un environnement sécurisé favorable au jeu,

• Répondre aux besoins d’attachement de l’enfant.

Comment y parvenir ? En observant l’enfant et en comprenant comment il apprend le monde (comme on sait qu’il a besoin de tout mettre à la bouche, on fait en sorte, par exemple, qu’aucun objet à sa portée ne soit sale ou coupant…), en l’accompagnant dans ses apprentissages, en lui laissant des espaces d’exploration avec du matériel adéquat et en laissant de côté les attentes éducatives majeures qui risquent d’amener une frustration inutile.

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Valoriser le développement de l’enfant grâce au jeu libre

Vous l’avez donc compris, « laisser l’enfant explorer seul » ne signifie pas qu’il faut rester en retrait ou le laisser livré à lui-même. Bien au contraire. Il faut apprendre à être attentif à ses besoins et à le guider quand cela est nécessaire. On parle de « jeu libre » car on ne donne ni consignes d’utilisation d’un jeu, ni mode d’emploi au jeune enfant. Pour autant, nous venons de l’évoquer, son espace de jeu a été pensé et aménagé en amont pour que les ressources et les jeux soient à sa hauteur et que sa sécurité soit assurée.

Une fois ces bases posées, le plus important est que l’enfant prenne du plaisir. Donner de la vie aux espaces d’accueil, de la couleur, de la musique, de l’harmonie, fournir du matériel qui vient encourager l’exploration – voilà de quoi valoriser à la fois l’expérience quotidienne du tout-petit et le rôle que l’on a à leurs côtés.

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Des enfants plus ouverts au monde, plus confiants

« Le jeu, l’objet, deviennent un prétexte à la relation et à la découverte du monde », souligne Marie Defrance. Inviter les enfants à jouer, c’est en réalité les inviter à explorer. Plus ils explorent leur environnement, plus ils activent de zones différentes dans leur cerveau et mieux ils les développent. Autrement dit, la stimulation par le jeu pose les fondements de mécanismes qui seront utilisés plus tard par l’enfant.
S’il est ainsi rassuré dans ses premiers échanges avec ce qui l’entoure, il fera davantage confiance à l’adulte et acquerra une meilleure confiance en lui. De quoi continuer à explorer le monde et à s’y faire une place de choix !

Des professionnelles valorisées en tant que guides

Du côté des professionnelles aussi, cette posture constitue une avancée. Elle supprime toute frustration liée au non-respect de règles et donne libre cours à leur imagination pour poser un décor où l’exploration sera reine (choix du matériel proposé, du cadre, des thèmes, etc.) – un premier pas vers une revalorisation de leur rôle de guide.

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*Qui est Marie ? Marie occupe depuis 28 ans la scène de la petite enfance. D'abord directrice d’EAJE, elle a ensuite participé à la formation des futurs professionnels de la petite enfance - en tant que formatrice vacataire puis que formatrice cadre pédagogique au sein d’un IRTESS. Elle a occupé des postes de responsable petite enfance dans plusieurs réseaux de crèches ainsi que pour des collectivités territoriales. Elle s’appuie sur les dernières recherches scientifiques pour permettre aux professionnels de terrain de construire des pratiques professionnelles adaptées aux capacités des enfants.