Des techniques pour faciliter l’accueil d’enfants porteurs de TND dans les lieux d’accueil

Les professionnelles de la petite enfance entendent de plus en plus parler des troubles neurodéveloppementaux (TND). Certaines y sont seulement sensibilisées, d’autres se forment pour mieux accompagner les enfants porteurs de ces troubles. Malgré cela, les ressources manquent souvent pour passer de la théorie à la pratique. Audrey Lefebvre, experte Edumiam, psychomotricienne, spécialiste des troubles neurodéveloppementaux, a accepté de partager avec les pros des techniques pour accueillir les tout-petits.

 

Des connaissances nécessaires comme socle de pratique

 

·      Des références à avoir en tête et à partager en équipe

 

S’il n’est pas recommandé, car risqué, de poser un diagnostic sur les enfants ayant des écarts de développement par rapport à l’attendu, Audrey Lefebvre estime qu’un socle général de connaissances permet d’appréhender les différents handicaps de manière plus sereine.

 

Elle conseille de se renseigner sur les grandes lignes correspondant à chaque trouble afin de pouvoir s’y référer, en cas de doute sur la meilleure manière d’agir avec un enfant.

 

Par ailleurs, parce qu’un accompagnement n’est optimal que s’il est mené en équipe, Audrey Lefebvre recommande aux personnels de crèche de mettre leurs connaissances en commun afin de travailler sur un socle commun.

 

·      Considérer le cadre de vie de l’enfant

 

Autre point important : au-delà des observations, il apparait important de sonder le cadre de vie de l’enfant : est-il suffisamment stimulé à la maison ? Combien de temps passe-t-il devant les écrans ? Connaitre l’environnement dans lequel l’enfant évolue est primordial pour l’accompagner au mieux.

 

·      Ne pas s’improviser médecin

 

Enfin, notre experte rappelle qu’il faut éviter de dresser toute conclusion. Durant le confinement par exemple, certains enfants ont été confrontés à des temps d’écran tels qu’ils ont développé des traits autistiques. Une alerte au niveau des parents, suivie de la restriction des écrans, a  permis de supprimer ces traits et donc d’écarter l’hypothèse de troubles du spectre autistique (TSA).

 

Des techniques d’accompagnement, avec un mot d’ordre : équilibrer

 

Une fois ces précautions en tête, Audrey Lefebvre propose techniques et outils pour aider les pros à avoir des repères dans l’accompagnement des enfants porteurs de TND.

 

·      L’utilisation d’une grille d’observation

 

En plus de la boîte à outils, très complète, présente dans la formation Edumiam, notre experte recommande d’utiliser une grille d’observation telle que celle présentée dans le parcours.

 

L’utiliser, cela signifie noter toutes ses observations, travailler en équipe (en lieu d’accueil collectif), et avec les parents. Toutes ces observations se complètent et permettent une meilleure approche professionnelle, à la fois pour les pros de la petite enfance et pour le corps médical.

 

Cette grille est l’outil préalable à tout accompagnement car elle permet de repérer les besoins du tout-petit, besoins qui guident ensuite quelle approche adopter et permettent de tempérer les propositions faites au tout-petit.

 

·      Le recours à une personne référente (pour les lieux d’accueil collectif)

 

Une fois les observations réalisées, il est important de désigner une personne référente, qui connaît mieux l’enfant et ses réactions, et qui devient un pilier pour l’enfant dès qu’il rencontre un problème, un repère sur lequel il sait qu’il peut s’appuyer. Cette personne contribue à la sécurisation affective du cadre de l’enfant.

 

·      Une verbalisation adaptée aux besoins de l’enfant

 

Cela signifie parler clairement, sans image, avec des mots simples, très précis et en allant « droit au but ». C’est aussi reformuler en utilisant des synonymes lorsque l’on réalise que le tout-petit ne comprend pas ce qu’on lui dit.

 

·      La contenance physique et psychique

 

Si elle permet à certains enfants de s’apaiser et de lâcher prise, notamment lors de débordements, la contenance doit toujours être réfléchie, jamais banalisée et jamais réalisée par quelqu’un qui ne la maîtrise pas. Il s’agit d’un dernier recours. Attention, avertit Audrey Lefebvre, certains enfants porteurs de TND ne supportent pas le toucher. Il est important d’adapter ses pratiques selon les réactions de chacun.

 

·       La guidance gestuelle

 

La guidance gestuelle peut aussi accompagner l’enfant et l’amener à développer ses compétences lorsque l’on ne veut pas faire à sa place. Exemples :

o   Le graphisme : poser sa main sur la main du tout-petit pour le guider sur la manière de réaliser un geste puis estomper la guidance au fur et à mesure.

o   Les chaussures : on peut guider les mains de l’enfant pour mettre la 1re chaussure. Pour la 2e, on l’accompagne mais de manière beaucoup moins présente et si lui arrête son geste, on arrête également. L’objectif : qu’il acquière la maîtrise de son geste au fur et à mesure.

 

·      L’isolement

 

C’est le fait d’accompagner l’enfant, lorsqu’il est débordé par ses émotions ou par certaines stimulations. hors du groupe vers un endroit où la stimulation sensorielle est moindre. La personne référente reste avec l’enfant ou se place à distance en fonction du besoin du tout-petit  Cet isolement ne dure  que quelques minutes et ne doit en aucun cas être considéré comme une « punition ».

 

·      L’aménagement de l’environnement

 

Cela consiste essentiellement à éviter trop de stimulations en même temps. Chaque espace doit être consacré à une unique activité.

 

Dans l’organisation des activités, bien expliquer à chaque enfant qu’il dispose d’un espace bien à lui dans lequel l’autre n’a pas le droit d’aller sans lui demander la permission – un cadre que chacun doit respecter.

 

·      L’aménagement des activités

 

Les activités ne doivent pas sur-stimuler le tout-petit. Éviter par exemple de donner trop de pièces en même temps si vous attendez de l’enfant qu’il réalise un puzzle.


Si vous apportez des jouets à partager, faites en sorte de les distribuer afin que les enfants n’aient pas à sauter sur les jouets pour se les partager.

 

Attention cependant à appliquer cette approche à tous les enfants afin de ne pas exclure dans votre approche l’enfant porteur de TND.

 

·      L’alternance temps calmes et stimulations

 

Tous ces éléments mis en place, il est possible de proposer des temps en totale autonomie à des enfants porteurs de TND. S’il y a des débordements, on peut adapter ces moments en proposant un changement d’activité ou un isolement de l’enfant.

 

Débordements ou pas, ces moments d’autonomie doivent alterner avec des temps plus calmes, de type Snoezelen, relaxation (à partir de deux ans), des exercices de contraction/relaxation, ou encore de l’écoute de musique douce. 

 

Dernier élément : prendre soin de soi et des parents pour mieux accueillir l’enfant

 

Tous ces éléments en tête, il est important de prendre soin de soi, en tant que personne référente et d’accompagner les parents au mieux pour optimiser l’accueil de l’enfant.

 

·      Prendre soin de soi

 

Reconnaître la difficulté de l’accueil d’un enfant porteur de TND, c’est aussi s’autoriser à dire lorsque l’on est fatiguée. C’est pouvoir dire que l’on a besoin de relais.

 

Il faut aussi savoir déculpabiliser lorsque l’on se met en colère, tout en présentant ses excuses à l’enfant et en lui expliquant l’origine de cette émotion forte.

 

·      Accompagner les parents

 

On le sait lorsque l’on s’intéresse aux troubles neurodéveloppement, plus un enfant est pris en charge tôt, plus il développera son plein potentiel. Or, cette prise en charge n’est possible que si l’équipe pédagogique fait équipe avec les parents.

 

Les parents ont parfois besoin de beaucoup de temps pour accepter la différence de leur enfant. Cela n’empêche pas de les orienter vers des spécialistes en leur expliquant pourquoi cela peut aider leur enfant (l’aider dans le graphisme, l’aider à mieux parler, l’aider à mieux appréhender son corps, à bouger, etc.) – qu’il s’agisse d’un orthophoniste (pour le langage), d’un psychomotricien (pour le graphisme ou la marche), ou autre. Rassurer les parents les moins informés ou les plus réticents les aidera à cheminer.

 

Bien pris en charge, ils seront accompagnés par l’équipe médicale vers un diagnostic plus clair.

  

Pour conclure, Audrey Lefebvre insiste sur la nécessité de mettre de la mesure dans toutes ces approches, d’avancer avec précaution dans l’accompagnement de l’enfant et de toujours tempérer les tentatives que l’on fait pour aider le tout-petit. Le mot de la fin ? Faites-vous confiance ! Vous saurez détecter et répondre aux besoins d’enfants porteurs de TND comme vous savez répondre aux besoins de tous les autres enfants !

 

Pour en savoir plus, découvrez notre formation Accompagner le handicap.