Pros de la petite enfance, des clés pour accueillir les enfants porteurs de TND et leur famille

accueillir des enfants porteurs de troubles neurodéveloppementaux ou de troubles du spectre autistique

Alors qu’environ 10 à 15% des enfants sont aujourd’hui porteurs de TND (troubles du neurodéveloppement), il est fort probable qu’une professionnelle de la petite enfance sera confrontée à ce type de handicap au cours de sa carrière et qu’elle ait besoin de clés pour l’accueillir et l’accompagner comme il se doit. Le sujet étant encore peu abordé dans les structures d’accueil, nous nous sommes tournés vers une spécialiste du sujet. Rencontre avec Aurélie Sigrand, cofondatrice d’IKIGAÏ*, une association qui facilite l’inclusion des enfants porteurs de TND, notamment de TSA (troubles du spectre autistique). Découvrons avec elle comment changer la donne.

 

Le rôle des pros de la petite enfance durant la période des 1000 premiers jours pour accompagner les enfants porteurs de TND

 
Des professionnelles en première ligne pour repérer les signes d’alerte de handicap invisible

D’abord, explique Aurélie, alors que l’on a mis l’accent, avec le 4e plan Autisme, sur le repérage précoce, l’âge pour poser un diagnostic sur les troubles neurodéveloppementaux d’un enfant reste de 3 ans en France. Avant cela, le repérage échappe, en grande partie, aux experts médicaux. Ce sont donc les professionnelles de la petite enfance qui sont en première ligne durant la période des 1000 premiers jours. Elles ont à la fois la distance et l’expérience nécessaires pour constater un écart de développement. Leur « c’est étrange, ce comportement ne correspond pas à ce que l’on attend d’un enfant de cet âge » est d’une grande richesse, car il dit déjà qu’un enfant a des besoins spécifiques.


Répondre aux besoins de l’enfant avant même de connaître son diagnostic médical

C’est en observant l’enfant et en s’adaptant à ses besoins spécifiques qu’Aurélie Sigrand propose de commencer l’accompagnement des tout-petits. L’objectif ? S’atteler à stimuler leur développement. Si pathologiser reste utile pour accompagner l’enfant plus tard, avant ses 3 ans, l’essentiel réside dans l’observation, la compréhension et la prise en charge de ses besoins spécifiques.

Le rôle des professionnelles s’avère alors fondamental. Les parents et l’éventuelle hiérarchie des pros ont tout intérêt à les écouter avec attention, à reconnaître leurs compétences et à légitimer leur rôle. Cela contribue à développer leur confiance en elles – ce qui a pour conséquence un meilleur accompagnement des tout-petits.

 

Des étapes à respecter pour que le trio parents-enfant-pros fonctionne au mieux

Aurélie Sigrand le répète, que les parents soient conscients d’un potentiel retard de développement de leur enfant ou qu’ils soient dans le déni, la professionnelle doit assurer l’accompagnement de l’enfant – en portant toute son attention sur son développement et en s’attelant à répondre à ses besoins spécifiques.
Pour établir une communication de qualité avec les parents, elle doit transmettre, autant que possible, des observations factuelles (qui ne sont pas des interprétations) et leur demander si eux (ou d’autres figures d’attachement de l’enfant) partagent ses observations dans d’autres contextes de vie de l’enfant.  Tout cela en gardant bien en tête qu’il faut parfois du temps aux parents pour accepter certaines réalités qui peuvent les faire plonger dans le chaos…

L’accompagnement d’un enfant porteur de TND demande beaucoup d’humilité, de patience et d’empathie. Revenons sur les clés d’une bonne prise en charge du tout-petit :

  1. La formation professionnelle continue : il s’agit d’un outil préalable que toutes les professionnelles de la petite enfance devraient avoir à leur disposition. En effet, il est très difficile d’accueillir et d’accompagner des enfants porteurs de handicap sans avoir de repères objectifs et de ligne à suivre. Se former permet aux professionnelles d’acquérir des connaissances et une confiance en elles, deux armes essentielles pour un accompagnement optimisé.

  2. Les échanges de pratiques entre pairs : ils constituent des temps de partage importants pour lutter contre l’isolement, le doute, le découragement : ils encouragent l’entraide et la mutualisation des bonnes pratiques.

  3. La supervision : qu’elle s’inscrive ou non dans le cadre de la formation continue, elle permet de bénéficier des retours d’un professionnel qui vient observer le lieu d’accueil et, par ses remarques et son accompagnement personnalisé, aide la professionnelle à adapter ses pratiques aux problématiques terrain et aux singularités de l’enfant accompagné.

  4. L’observation : que l’on exerce dans un lieu d’accueil collectif, à son domicile ou au domicile des parents, il est important, lorsque l’on questionne un retard de développement, de noter toutes ses observations et, le cas échéant, de les partager avec ses collègues. Pour cela, une grille d’observation s’avère nécessaire.

  5. Échanges avec les parents : il ne s’agit pas de pointer du doigt les choses qui ne vont pas ni de mettre les parents dans une situation inconfortable par rapport au développement de leur enfant. La meilleure approche pour débuter un dialogue constructif avec les parents est de les amener à partager leurs observations. Cela permet d’entamer une discussion en s’appuyant sur une grille objective de résultats. L’approche peut être : « À 2 ans, en général, on attend qu’un enfant soit capable de faire cela. Chaque enfant est différent bien entendu, mais si vous observez qu’il a toujours des difficultés vers 2 ans et demi, vous pouvez en parler à votre médecin pour voir ce qu’il recommande ». Il faut avancer progressivement.

  6. Travail main dans la main : une fois que les parents sont entrés dans la phase de reconnaissance du handicap, le moment est venu de consolider la relation de confiance que l’on a tissée avec eux. Pourquoi ? Pour que s’instaure une parfaite continuité entre le temps d’accueil de leur enfant et sa vie de famille. Les professionnelles peuvent alors devenir des ressources pour les parents et éventuellement les orienter vers certains professionnels.

Pour conclure, Aurélie Sigrand rappelle le dicton africain affirmant qu’ « il faut un village pour faire grandir un enfant ». Si cela est vrai pour tout enfant, ça l’est d’autant plus lorsqu’un tout-petit rencontre des difficultés. D’où l’importance pour tous, parents et professionnels, d’apprendre à bien communiquer, à se faire confiance et à collaborer, sans oublier de se former ! Faisons corps ensemble pour mieux accepter et accompagner le handicap et tissons ainsi une société plus tolérante et inclusive pour tous !

Envie d’aller plus loin ? Découvrez notre formation sur les troubles neurodéveloppementaux.


* Formant différents types de professionnels, IKIGAÏ est notamment à l'initiative du programme Sentinelles, en partenariat avec Gribouilli et Edumiam, programme dont l’objectif est de former des gardes d’enfants à l’accueil d’enfants porteurs de TND et à l’accompagnement de leur famille. Si l’accueil au domicile des parents a ses particularités, les conseils qu’Aurélie prodigue valent pour tout contexte d’accueil.

Le 4e plan Autisme s’étend sur la période 2018-2022 et a notamment pour objectifs de renforcer la recherche et la formation, de mettre en place les interventions précoces prescrites dans les Recommandations de bonnes pratiques professionnelles, de garantir la scolarisation effective des enfants et des jeunes, de favoriser l’inclusion des adultes et de soutenir les familles. Plus d’informations ici.

Le carnet de santé de l’enfant est un bon référentiel car il formalise les grandes lignes du développement de l’enfant.