Rassurer les parents sur le jeu libre pour le valoriser en lieux d’accueil

Le « jeu libre » est très à la mode dans le milieu de la petite enfance. On sait désormais que l’enfant apprend en jouant, à condition qu’il expérimente par lui-même. Cela impose un nouveau positionnement des professionnelles de la petite enfance… mais également un changement de référentiel pour les parents. La quasi-disparition d’activités dirigées peut être une perte de repères pour eux et pour les adultes en général !

Elsa Job-Pigeard, orthophoniste, formatrice en « jeu libre » et cofondatrice avec Carole Vanhoutte et Florence Lerouge, de l’association Joue, Parle, Pense, revient sur les enjeux qui se cachent derrière le jeu libre – une manière de donner aux pros des arguments à présenter aux parents sceptiques !

Une approche du jeu par le biais de l’orthophonie

Au vu de sa profession, rien ne prédisposait Elsa Job-Pigeard à devenir une chantre du jeu libre. Pourtant, c’est bien en sa qualité d’orthophoniste qu’elle tire la sonnette d’alarme et invite parents et professionnelles à laisser les enfants jouer et explorer.

Dans son cabinet, les troubles du langage sont de plus en plus fréquents. De plus en plus de ses jeunes patients sont incapables de parler à un âge avancé, ou de respecter le temps de parole de l’autre. Certains émettent des bruits en place et lieu de mots ou parlent continuellement.

Quid du jeu dans tout ça ? En creusant son sujet et en y réfléchissant avec ses pairs, Elsa Job Pigeard a compris que ses jeunes patients étaient victimes d’une surexposition aux écrans, ou jouaient avec des jeux parlants non adaptés à leur âge. Or, le langage ne se met pas en route tout seul. Il naît à force d’expérimentations, d’expériences cognitives et physiques… C’est la mise en mots de ces expériences sous un regard bienveillant qui permet aux tout-petits de se lancer dans la grande aventure du langage.

La boucle est ainsi bouclée et la connexion orthophonie/jeu libre semble désormais évidente. Le jeu libre est un moyen de prévention des troubles du langage : jouer en explorant permet de faire éclore des connaissances sous le regard de l’autre et place les bases du langage et de la communication.

Pour développer vos connaissances sur le langage de l’enfant, découvrez notre formation Langage ! Et pour des informations sur le développement du langage selon l’âge du jeune enfant, retrouvez notre affiche langage via notre boutique !

Des arguments pour les professionnelles de la petite enfance

Nombre de professionnelles de la petite enfance en sont convaincues. Elles ont malgré tout beaucoup de mal à imposer cette vision à des parents qui ont besoin de se rassurer quant aux progrès de leurs enfants. Les activités réalisées à la crèche ont l’avantage de laisser une trace – le jeu libre moins.

Voilà pourquoi il est important de connaître l’argument « construction du langage ». Argument parmi d’autres (qui vont de la sécurité affective à la confiance en soi en passant par le développement logique et cognitif par exemple), il met les parents face aux enjeux concrets et comptables du jeu libre. Non, l’enfant ne fait pas « rien » lorsqu’il joue, c’est même tout le contraire. Jouer est le pilier de sa santé physique et psychique. Bouger vient au préalable de tout développement cognitif. Explorer donne à l’enfant les clés du monde qui l’entoure…

Convaincre les parents qu’en jouant en toute liberté dans un cadre sécurisé et accompagné d’un adulte bienveillant, leur enfant développe ses capacités langagières, humaines, sensorielles et cognitives, les rassure et contribue à modifier leurs attentes par rapport aux progrès de leur enfant.

Pour comprendre les enjeux des transmissions échangées avec les parents, suivez notre formation Transmissions et Communication Non-Violente !

Du pratico-pratique en lieux d’accueil

Une fois les parents conscients des enjeux, les pros de la petite enfance ont souvent besoin de solutions concrètes pour mettre en place cette pratique du jeu libre. C’est dans ce contexte qu’Elsa Job Pigeard, revêt sa seconde casquette, celle de formatrice en « jeu libre » dans des lieux d’accueil petite enfance*.

Son objectif ? Inviter les équipes à intégrer plus de jeu libre à la crèche tout en sensibilisant les parents à son importance pour l’enfant.

Sa manière d’intervenir ? Tendre le micro aux pros pour écouter leurs propositions. En général, explique-t-elle, « les équipes ont beaucoup d’idées mais manquent de confiance, de temps ou encore de communication entre elles pour en parler et les mettre en place. » Ce temps d’échange permet un échange d’idées très riche.

Le résultat attendu sur le terrain ? Que parents et professionnelles fassent équipe et soient sur la même longueur d’ondes pour que l’enfant tire le meilleur bénéfice du « jeu libre ».

Comment organiser le jeu libre pour l’optimiser ? Consultez notre affiche jeu libre !

Des exemples :

Pour montrer aux parents que la surexposition des tout-petits aux écrans est un risque de santé publique, une crèche a organisé une « journée débranchée » sans téléphones ni écrans. Cette journée débouchait sur une invitation à un week-end sans écrans pour les parents. Le lundi, les tout-petits devaient apporter des photos de moments d’échange et les parents utiliser les transmissions pour en parler.

Une autre crèche a mis à l’honneur un objet propre à développer la créativité de l’enfant : la cuillère en bois. Cela pour encourager enfants, professionnelles et parents à développer leur imagination.

Toutes les idées sont bonnes pour montrer que la « production de l’enfant » n’est pas nécessaire à son développement et que rien ne vaut un accompagnement humain pour l’encourager. Plus de personnes en seront convaincues, plus nos enfants auront de clés pour développer leur plein potentiel.

Alors…

Professionnelles de la petite enfance, plus vous favoriserez le jeu libre et convaincrez les parents de son utilité, plus vous contribuerez à l’épanouissement des enfants que vous accueillez… et au vôtre par ricochet !

Parents, si le soir, en allant chercher votre enfant, vous vous entendez dire « il a juste joué », vous savez désormais, qu’en réalité, il a fait beaucoup plus que ça !

Pour aller plus loin, découvrez notre formation jeu libre et notre formation éveil par le jeu : vous aurez des astuces pour l’aménagement de l’espace pour favoriser le jeu libre !

Qui est Elsa ? Elsa Job-Pigeard est orthophoniste depuis plus de 25 ans. Après avoir constaté l’impact énorme des écrans, de jouets non adaptés et du manque de « jeu libre » sur le développement des enfants, elle a cofondé, avec Carole Vanhoutte et Florence Lerouge, Joue, Pense, Parle. Cette association milite pour que le « jeu libre actif », au vu de son impact sur la santé publique, soit reconnu d’utilité publique – comme c’est déjà le cas au Canada. Très engagée dans cette cause, Elsa a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet – Bébé connecté : enfance massacrée, pamphlet sorti en 2020 aux éditions JDH, et Ma pause sans écran, 30 activités à partager avec ses enfants, aux éditions Fleurus. Avec Carole Vanhoutte, elle a aussi réécrit les pages « langage, communication et jeu » de l’ouvrage de référence J’élève mon enfant, de Laurence Pernoud, paru aux Editions Albin Michel.

*Elsa élabore le contenu de ses formations avec Carole Vanhoutte et co-anime avec elle certaines formations.