L’intergénérationnel dans les lieux d’accueil de jeunes enfants

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Les bénéfices des échanges intergénérationnels ne sont plus à prouver, autant pour les jeunes enfants que pour les aînés.

Après avoir rencontré Astrid Parmentier suite à notre coup de cœur du concept Tom & Josette, on revient aujourd’hui pour l’interview de Jérômine Pëyrègne, éducatrice de jeunes enfants au sein de la micro-crèche Tom & Josette Rennes.

Comment mettre de l’intergénérationnel dans les lieux d’accueil pour jeunes enfants ?

Comment se passent les rencontres entre les deux générations ? Jérômine nous explique tout et partage ses conseils avec les professionnelles de la petite enfance pour permettre à qui le souhaite d’organiser facilement des rencontres intergénérationnelles.

Pourriez-vous vous présenter en deux mots ?  

Je suis Jérômine Peyrègne, je suis référente technique de la micro-crèche Tom & Josette à Rennes. J’ai une formation d’éducatrice de jeunes enfants. J’ai commencé ma carrière dans une crèche parentale, puis j’ai été responsable de trois micro-crèches à Rennes avant de débuter chez Tom & Josette.

Mon père est directeur d’EHPAD et ma maman travaille en crèche, donc un projet intergénérationnel a toujours fait sens dans ma pratique professionnelle. Avant Tom & Josette, j’avais déjà mis en place des partenariats avec des EHPAD pour les crèches où je travaillais.

Comment s’organise la micro-crèche Tom & Josette à Rennes ?

La micro-crèche est dans l’EHPAD Les Roseraies. Au rez-de-chaussée, il y a la crèche qui est adaptée aux jeunes enfants. Nous avons aussi un grand espace vert, lieu d’accueil des rencontres intergénérationnelles.

Tous les mois, nous avons une réunion de cadrage avec l’équipe de l’EHPAD (les animateurs, la psychologue, la directrice et l’infirmière) afin de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans les ateliers. Le but est de collaborer et de faire en sorte que tout se passe bien, autant pour les résidents que pour les jeunes enfants.

Comment se passe la première rencontre entre les deux générations ?

Tout d’abord, quand un enfant arrive à la crèche, il n’y a pas de rencontre avec les résidents pendant environ un mois : nous laissons le temps à l’enfant de s’acclimater à la crèche, aux séparations avec ses parents et à nous, qui sommes nouveaux dans son quotidien. Ensuite, quand nous sentons que l’enfant a pris ses marques, nous organisons sa première rencontre intergénérationnelle.

Lors de la première rencontre, les enfants sont soit très à l’aise avec les résidents soit dans l’observation. Par la suite, ils sont toujours très volontaires à l’idée de retrouver les résidents.

Du côté des aînés, c’est un peu la même chose. Certains sont très enthousiastes, d’autres vivent ces rencontres un peu plus difficilement (par exemple, les enfants leur rappellent leur éloignement familial).

D’où l’importance de nos réunions mensuelles, afin de toujours être certains que les rencontres se passent bien, autant pour les jeunes enfants que pour les aînés.

Est-ce que la création de lien se fait facilement ?

Oui, en fait c’est instantané et très spontané. Les enfants et les résidents sont transparents les uns envers les autres et sont très ouverts. Ils ne jugent pas. Ils s’attachent très fort les uns aux autres, c’est même émouvant à voir en tant que professionnelle.

Comment s’organisent ces rencontres intergénérationnelles ?

Nous voudrions qu’il y ait des rencontres quotidiennes. Mais avec le contexte actuel, nous avons deux et quatre rencontres par semaine. Lorsque nous nous voyons le matin, nous faisons des ateliers (organisés par l’EHPAD et la crèche à tour de rôle) ; quand c’est l’après-midi, des goûters. Ces goûters s’organisent notamment avec une unité protégée de l’EHPAD qui accueille des résidents qui ont des pathologies particulières.

La rencontre dure entre 45 minutes et 1 heure. Il y a les contraintes des emplois du temps (l’heure des repas et des siestes, les heures de soins) qui nous permettent de nous voir de 11 h à 11h45. À savoir aussi que la concentration d’un enfant de cet âge (0-3 ans) est environ de 15 minutes. C’est d’ailleurs notre rôle en tant que professionnelle de la petite enfance d’encadrer ceux qui décrochent. Le plus important pour nous, c’est que tous les enfants clôturent les ateliers, notamment en disant au revoir à tout le monde.

Pendant chaque rencontre, il y a au moins un animateur de l’EHPAD et une professionnelle de la crèche Tom & Josette. Notre rôle est d’encadrer et de soutenir les échanges. Par exemple, l’aménagement de l’espace est fait de manière à ce qu’il y ait un jeune enfant et un résident à côté. Et nous les incitons à créer du lien en les guidant dans les échanges « Est-ce que tu veux donner la fleur ? » « Est-ce que tu peux aider ? »

Quels bénéfices observez-vous ?

Instinctivement les jeunes enfants deviennent plus calmes auprès des résidents, autant dans leurs gestes que dans leurs attitudes. Ils sont plus autonomes dans leur manière d’être et de faire et développent leur empathie. Ils ne jugent pas et apprivoisent le handicap. Cela développe leur ouverture d’esprit et les rend plus tolérants. Les rencontres permettent aussi de travailler sur la socialisation de l’enfant. Durant les récents confinements, certains parents nous on dit que leur enfant se rendait compte qu’il y avait d’autres adultes que ses parents et le personnel de la crèche, grâce aux rencontres intergénérationnelles.

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Quels types d’activités proposez-vous ?

Depuis le mois d’avril, nous avons un fil rouge autour de l'éveil des sens au travers de la nature. Nous faisons donc de nombreuses activités autour de ce thème :

  • Temps de lectures et de chansons,

  • Des balades dans le parc,

  • Atelier autour du potager participatif,

  • Jeux de ballons,

  • Médiation animale,

  • Danse-thérapie,

  • Gymnastique douce avec une ergothérapeute.

Nous faisons tout en extérieur, même l’hiver ou s’il y a de la pluie : nous avons une terrasse couverte qui nous abrite tout en aérant les jeunes enfants et les aînés.

En cas d’un décès d’un résident, comment en parlez-vous au jeune enfant qui a pu s’attacher ?

Nous décidons de leur dire avec des mots simples et qui relatent la réalité : « Il est décédé car il était très vieux. ». Nous avons un rôle de support et utilisons des livres aussi, pour leur faire comprendre.

Voici quelques références :

Avez-vous des bonnes pratiques à partager ?

Nous ne faisons pas de distinction d’âge entre les jeunes enfants : pour nous, les activités apportent à tous. C’est aussi important de souligner que les rencontres intergénérationnelles doivent être pérennes dans le temps : c’est un vrai créateur de liens et de sens sur le long terme (pour les jeunes enfants, les résidents, les parents et aussi nous, encadrants). Aujourd’hui, 90% des parents de notre micro-crèche à Rennes adhèrent à l’intergénérationnel et ont fait le choix spécifique de Tom & Josette pour ce concept.

En ce qui concerne les bonnes pratiques, à défaut de formations sur le sujet, nous apprenons sur le tas et avec du bon sens. Finalement, la magie opère rapidement. Il est totalement possible de créer des rencontres intergénérationnelles dans des structures d’accueil (crèches, RPE/MAM ou avec une assistante maternelle) qui ne se trouvent pas en EHPAD. Si je peux citer quelques points importants pour que l’alchimie fonctionne, je dirais :

  • Cibler des objectifs autour du projet : vecteur de lien pour le jeune enfant ? Développement de l’éveil cognitif ? Transmission ? Créations de lien social ?,

  • Accueillir dans un endroit neutre pour le jeune enfant et pour les aînés, par exemple en extérieur,

  • Ne pas infantiliser les personnes âgées : faire le choix d’activités adaptées pour chaque tranche d’âge. Si l’activité est trop infantilisante, on peut positionner le résident en tant qu’encadrant de l’enfant (aide de l’enfant dans l’activité), ce qui lui permet de se sentir valorisé,

  • Avoir un fil rouge qui puisse déterminer les thèmes des activités,

  • Définir une fréquence de rencontres (une fois par mois, deux fois par mois, etc.).


Merci beaucoup à Jérômine Peyrègne pour son partage d’expérience et de son investissement pour la valorisation de l’intergénérationnel !