Les méthodes pédagogiques - #1 Pickler Loczy

Méthode Pikler Loczy

Montessori, Freinet, Steiner, vous avez tous entendu parler d’une ou plusieurs méthodes pédagogiques en vogue dans les lieux d’accueil pour les jeunes enfants.

Quelles sont-elles et en quoi consistent-elles ? Nous avons décidé de partir à la rencontre de quelques-unes d’entre elles pour vous en donner des clés d’entrée et, qui sait, vous fournir de nouvelles pistes éducatives à explorer.

Premier acte : la pédagogie Pikler Loczy, décryptée par Anne Delatour, pédiatre et experte Edumiam.


Premier acte, la pédagogie Pikler Loczy

Histoire

La pouponnière Pikler plus connue sous le nom de Loczy a été créée en 1946 à Budapest pour prendre en charge les orphelins de guerre. Son nom est connu dans le milieu de la petite enfance en raison de sa pédagogie particulière adaptée aux besoins des enfants privés de famille, veillant à éviter l’hospitalisme décrit notamment dans les pouponnières roumaines avec des enfants multi-carencés. Une des raisons des carences des enfants privés de famille est la rupture répétée des liens. La notion de référente prend alors toute sa valeur : pas de valse des auxiliaires (appelées nurses) et si possible suivi par la même personne durant tout le séjour à la pouponnière.

Emmi Pikler, Anna Tardos, Judith Falk en Hongrie, Myriam David, Geneviève Appell en France ont contribué à créer pour les premières et à faire connaître ce projet éducatif en Europe pour les secondes. Actuellement, le professeur Bernard Golse est président de l’association Pikler Loczy France.

Ses lignes directrices adaptées à l’enfant de 0 à 3 ans en pouponnière sont néanmoins transposables en partie d’autres lieux d’accueil : crèches, domiciles des assistantes maternelles.

Principes fondamentaux

L’approche Pikler Lokzy vise à proposer aux jeunes enfants une routine très ordonnée avec un déroulé presque immuable de la journée – l’objectif est de rassurer l’enfant grâce à la prévisibilité des évènements. Chaque enfant est pris en charge à son tour toujours dans le même ordre et selon le même déroulé.

  • Maternage insolite

La prise en charge par la professionnelle prend le nom de maternage insolite. Il s’agit de ne pas se substituer à la mère mais de construire une relation fiable, sans sautes d’humeur, sans bouffées affectives mettant l’enfant et la professionnelle en danger. Pas de câlins ni de démonstrations affectives : on parle de relation affective « tempérée ».

De quoi parle-t-on lorsqu’on dit “sécurité affective” ? Découvrez-le dans notre article sécurité affective de l’enfant : les pratiques à adopter !

  • Qualité de la relation durant le soin

Lors des soins, très ritualisés, l’attention et la présence de la professionnelle sont entières. Elle parle à l’enfant en permanence : elle lui explique ce qu’elle fait mais essaie aussi en de décrypter ce que ressent l’enfant et de lui expliquer ce qu’il peut ressentir – les paroles restent positives. Lorsqu’elle sort l’enfant de son lit, la professionnelle veille à capter son regard et à le suivre des yeux ; elle lui soutient la tête et le tient en corbeille (film de Martino) autant que faire se peut.

Pendant la prise en charge d’un enfant, le professionnelle est totalement absorbée à sa tâche. Elle doit néanmoins avoir un regard circulaire sur les autres enfants de la section pour éviter tout accident.

Pour aller plus loin, découvrez notre formation Prendre soin de l’enfant - sécurité, hygiène, confort, alimentation : inscrivez-vous !

  • Autonomie de l’enfant

La professionnelle incite l’enfant à participer aux soins, à retirer une manche de vêtement, plus tard à utiliser la brosse. Les soins sont regroupés. Le repas se passe sur les genoux de la professionnelle, puis à table selon les compétences de l’enfant. Ce dernier mange la quantité qu’il veut, jamais plus.

Après son tour, l’enfant est replacé dans l’aire de jeu et devient autonome.

On ne force jamais une position, l’enfant va à son rythme : pas de position assise tant qu’elle n’est pas acquise, etc.

L’enfant est habillé sans entrave.

  • Jeu libre sous le regard de la professionnelle dont le rôle est indirect

On met à sa disposition deux ou trois jeux pas plus. Cela va à l’encontre des pratiques actuelles où on prône les jouets « éducatifs », où l’on stimule sans arrêt, où l’on est demandeur de performance : ici, on fait confiance à l’enfant. Les bénéfices du jeu libre sont multiples, ce dernier participant activement au développement de l’enfant. L’observation de l’adulte référent et des autres responsables aide à adapter chaque jour l’accueil d’un tout-petit.

L’avis de notre pro, Anne Delatour

  • Les + de la méthode :

Cette méthode demande une attention « intense » à l’enfant car elle le reconnaît comme le guide de sa propre prise en charge. En d’autres termes, elle considère le bébé « comme une personne ».

J’y vois aussi la réalisation d’un espace de tranquillité sans hyper-stimulation : un jeu à la fois, pas de performance demandée, le respect du rythme de chacun, une ambiance feutrée, tellement différente de la vie quotidienne actuelle où le « tout, tout de suite » et le zapping s’imposent.

Chaque enfant a son temps à lui, le même pour chacun, sans favoritisme.

L’auxiliaire est concentrée sur chaque signal envoyé par l’enfant et s’adapte à chaque instant. Même si cela est difficile : les portables et les conversations nourries avec les collègues sont proscrits…

  • Ses limites :

Le maternage insolite peut sembler très froid envers des enfants habitués aux câlins et aux bisous.

Il m’a été difficile parfois de voir la détresse des « autres enfants », rassurée uniquement par des mots et un constat de ce qui arrive.

Lorsqu’un enfant présentait un retard psychomoteur, il m’était difficile d’expliquer qu’il fallait le traiter différemment, que des causes physiques se rajoutaient aux causes psychiques.

Les parents peuvent être demandeurs de stimulation. Difficile de répondre à la question « Qu’a-t-il fait aujourd’hui ? » par « il s’est reposé »

  • Dans quel contexte cette méthode est-elle recommandée (quel mode d’accueil, quelles problématiques) ?

Cette méthode peut s’appliquer dans tous les lieux d’accueil petite enfance (crèches, assistantes maternelles) et peut être diffusée auprès des gardes d’enfant à domicile. Elle insiste sur le laisser-faire (motricité et jeu libre), sur l’observation simple de l’enfant (sans avoir recours à Internet pour savoir quoi attendre à quel moment), sur un suivi précis et la nécessité de faire confiance en la capacité de l’adulte et en celle du nourrisson.

Pour la mettre en place, plusieurs problématiques sont à prendre en considération. La « nurse unique » n’est pas envisageable avec les temps de travail, les repos et les vacances. Par ailleurs, certaines professionnelles préfèrent rester chez les grands ou moyens-grands. Les plannings tiennent compte de cette exigence de stabilité.

Les professionnelles ont besoin de soutien pour cette démarche et un(e) psychologue peut venir en observation pour les aider à « décrypter » telle ou telle attitude de l’enfant.

Découvrez la partie 2 de notre série “Méthodes pédagogiques” : article Montessori

Bibliographie

Myriam David, Geneviève Appell, Loczy ou le maternage insolite, Eres 1001 BB

Vidéo Martino, B. Loczy, une maison pour grandir , APLF 2007