Inviter l’art à la crèche 2

Aide-éducatrice, j’ai testé (et approuvé) l’art à la crèche.

On vous parlait du projet pilote “L’art à la crèche” dans un précédent article. Découvrez ici l’interview de Kumba Traoré, éducatrice de jeunes enfants, sur son expérience de l’approche artistique proposé dans sa structure.

Loin des grandes théories, l’art à la crèche ne peut avoir d’impact sur les enfants que si les pratiques des professionnelles lui permettent d’exister. Or, de prime abord, peu d’acteurs de la petite enfance sont attirés par cette approche. Kumba Traoré, aide-éducatrice à Champs d’Étoile (Liveli de Sodexo), crèche pilote mettant l’art au cœur du projet pédagogique, nous confie comment elle a dépassé ses a priori pour investir le projet et s’y épanouir désormais à 100 %. Edumiam est allée à sa rencontre.

Vous, en deux mots ?

Je m’appelle Kumba Traoré, je suis aide éducatrice à la crèche Champs d’Étoile à Paris, et j’ai moi-même un petit garçon de 18 mois.

Votre première réaction face à la proposition de mettre l’art au cœur du projet pédagogique ?

Au départ, j’ai été choquée. Je me suis dit : « mais où suis-je tombée ? qu’est-ce qui m’attend ? ». J’avais en tête cette idée « Moi, je n’aime pas l’art ». Les musées, les expositions, les toiles d’artistes comme Picasso – je n’aimais pas… et je ne voyais pas comment j’allais apprécier un projet autour de tout cela au sein de ma crèche.

Votre opinion a-t-elle évolué au fur et à mesure que le projet s’est développé ?

Oui, j’ai changé d’avis à 100%. L’art, ce n’est pas ce que je croyais. Ça n’est pas ce que l’on pense – c’est exercer sa créativité par le biais des choses du quotidien. Il n’y a pas besoin de choses sophistiquées pour créer de beaux objets. Finalement, cette démarche suit l’attitude naturelle des enfants qui créent au quotidien avec ce qu’ils ont sous la main. Je vous parle des cartons de livraison qui deviennent de jolies cachettes par exemple !

Donner de la place à une approche artistique, qu’est-ce que ça change finalement ?

Ça change tout ! Ce projet pilote s’est révélé être une expérience magnifique pour moi. Il a introduit énormément de nouveautés à la crèche – pour nous qui travaillons dans un univers où la routine est omniprésente, cela m’est apparu comme une vraie chance.

Au-delà de la nouveauté, l’approche artistique constitue une nouvelle façon de faire au quotidien. C’est accepter de lâcher prise, de faire venir ses émotions, sa sensibilité et son intuition pour créer quelque chose d’utile au développement des enfants. Pour les professionnelles, qui se rassurent souvent en proposant des activités qui ont fait leurs preuves mais qui sont très répétitives, il s’agit d’une nouvelle manière de considérer leur métier et leur mission. C’est sortir des sentiers battus.

En termes d’impact sur le triptyque parents-enfants-professionnelles, est-ce probant ?

Oui, tout à fait.

Pour les professionnelles, cela a des conséquences immédiates : on est plus en contact avec son imaginaire, on se fait davantage confiance pour lancer une activité car on est soutenu par la démarche globale de la structure, on est plus épanouies de ce fait et on développe beaucoup moins de stress. On a de la matière pour assurer des transmissions qualitatives avec les parents – qui sont ainsi en confiance avec nous. Cela nous valorise et nous donne envie de nous dépasser davantage.

Pour les enfants, c’est un peu pareil. Le fait de les sortir de leur routine éveille leur curiosité, développe leur attention et les détend. L’attrait de la nouveauté et le plaisir palpable de la professionnelle leur fait également avoir plus de plaisir dans les activités. Si l’on parle des activités elles-mêmes, elles développent de nombreuses qualités chez l’enfant (attention, écoute, motricité fine, relations aux autres, sensibilisation à l’art, découverte de nouveaux mots, de nouvelles matières, de nouvelles expériences sensorielles, etc.).

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Comment cela s’organise au quotidien ?

Nous sommes quatre professionnelles par section. En général, deux se consacrent à un projet créatif une fois par jour, et les deux autres accompagnent les enfants sur des activités classiques ou dans leur libre exploration. C’est important aussi d’avoir des pauses de stimulation pour les enfants. Les groupes tournent donc.

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Comment motiver les professionnelles de la petite enfance ?

Il n’est pas question de pousser des professionnelles qui ne le veulent pas à se lancer car cela ne fonctionnera pas. En revanche, je pense que ce serait bien que ceux et celles qui sont sceptiques regardent des vidéos et se laissent convaincre. Cette approche artistique est tellement bénéfique pour tous.

Quelques conseils pour réussir sa séance artistique ?

Lâcher prise, ne pas avoir honte de ce que l’on fait et garder en tête l’intérêt ultime de l’enfant. La confiance au sein de l’équipe, avec l’équipe dirigeante et avec les parents est indispensable pour que cette approche fonctionne.

Regarder autour de soi et se servir des objets du quotidien – c’est moins cher et en plus, ça rassure les enfants !

Des idées à exploiter ?

Notre environnement est exploitable dans son intégralité. Chaque objet peut avoir un intérêt pour un projet pédagogique. Cette approche initiée par l’art il y a trois ans continue de fonctionner dans ma structure pour toutes les activités que l’on propose – qu’elles soient artistiques ou pas. Laisser chaque enfant s’exprimer et développer ses compétences nous tient à cœur. Chaque professionnelle a des projets différents de ceux de ses collègues. En vrac, voici quelques idées :

  • Une guitare faite maison créée avec du carton, du wax, des boutons et des cordes

  • Un tableau sensoriel éphémère créé avec du sable, des cailloux et de l’eau

  • Donner des noms d’artistes aux différents groupes d’enfants de la structure peut servir de prétexte pour créer une œuvre d’art à la manière de... ou évocatrices de… Nous, nous avions travaillé avec Dali, Matisse et Salif Keita par exemple.

  • Des plantations (haricots verts, lentilles, etc.) qui permettent à l’enfant une exploration nouvelle (à défaut d’être artistique) en oubliant qu’il est à la crèche.

  • Du marc de café : utiliser le marc de café pour une activité permet de travailler la motricité fine car les enfants peuvent y dessiner des choses mais également d’éveiller les sens grâce au toucher et à l’odeur forte du café.

  • À destination des parents, pour les intégrer au projet : créer un cahier d’activités individuel où sont consignées photos des enfants durant les diverses activités, explication de l’activité et anecdote associée fonctionne particulièrement bien.

  • Et bien sûr, intégrer des artistes dans la démarche – ça donne un prétexte et plus de poids à nos projets pédagogiques. Chanteuse, harpiste, plasticienne – des intervenantes extérieures nous ont beaucoup aidées à avancer dans notre démarche interne.

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Illustrations de quelques activités artistiques autour d’un projet recyclage incluant les parents

Documents mis gracieusement à la disposition d’Edumiam par Kumba Traoré et Sophie Berthaud.

 
Participation des parents au projet recyclage
 
Projet artistique recyclage guitare
Projet artistique recyclage découverte
Projet artistique recyclage réalisations