Inviter l’art à la crèche 1
Inviter l’art à la crèche, ça veut dire quoi ?
L’éveil artistique et culturel a le vent en poupe. Beaucoup de structures d’accueil se gargarisent de mettre l’art à l’honneur pour le bien-être des enfants. La réalité est souvent décevante – tant l’art est utilisé à des fins commerciales et marketing.
Aux antipodes de ces miroirs aux alouettes se situe Sophie Berthaud. Elle-même éducatrice de jeunes enfants et artiste, elle voit dans l’art et dans l’éveil artistique l’une des clés de la réussite d’un projet pédagogique. Sa gestion du projet pilote mené par Crèche de France (devenue Liveli par Sodexo) vient asseoir son discours et le rend convaincant. Laissons-lui la parole pour comprendre comment faire de l’art un véritable atout au sein de toute structure d’accueil de jeunes enfants.
Une équipe investie
Sophie Berthaud souligne pour commencer à quel point il est important d’impliquer le personnel dans le projet que l’on compte monter. Donner un rôle à chacun et faire confiance à son équipe (pour gérer le budget des activités artistiques par exemple), consacrer des journées pédagogiques à des sorties culturelles en équipe (dans des musées par exemple) s’avèrent d’intéressants pré-requis pour investir ses collaborateurs dans un projet pédagogique artistique et en garantir la réussite.
Une programmation artistique adaptée à la structure d’accueil
Gage de réussite également : le fait de prendre en considération les espaces du lieu d’accueil et d’envisager de quelle manière ils pourraient être utilisés artistiquement.
Selon les structures et les espaces, les possibilités d’expression artistique sont différentes. Les artistes (qu’ils soient musiciens, plasticiens, danseurs, etc.) doivent donc s’imprégner en amont des lieux où ils se produiront afin d’y adapter leur intervention.
Une programmation artistique qui répond aux besoins spécifiques de la structure
Enfin, une réunion de mise en place du projet s’impose. Elle permet de bien définir ce que les membres de l’équipe souhaitent accomplir ensemble et répondre à des questions qui conditionneront les activités artistiques menées par la suite. Par exemple : qu’attend-on de ce projet pédagogique autour de l’art ? Quels objectifs pédagogiques a-t-on en tête ?
Adopter une approche transversale permettant à tous les acteurs impliqués de sentir que le projet leur est bénéfique, c’est mettre toutes les chances de réussir de son côté.
Un travail de mise en confiance des professionnelles de la petite enfance : tout repenser en partant de l’enfant et de l’enfant qui est en nous
Alors qu’il est acquis que les bienfaits de l’art en structure d’accueil bénéficient essentiellement aux jeunes enfants, Sophie Berthaud insiste sur le fait que cette approche s’avère extrêmement porteuse pour les professionnelles. En les impliquant dans des réunions fréquentes et régulières en équipe ou avec les artistes intervenants (1 par semaine – qu’elle soit formelle ou informelle), on décuple leur motivation et on s’assure de leur participation et de leur adhésion au projet global.
Ainsi, ils s’autorisent davantage ce lâcher-prise nécessaire à la mise en œuvre des projets artistiques auxquels chacun doit participer. Car tout doit partir de l’enfant et pour parvenir à cela, il est important de s’autoriser la régression, d’aller chercher son « enfant intérieur ».
Cela permet de passer par l’émotion, indissociable de l’art, d’inviter chacun à observer davantage ce qui se passe autour de lui, à se rappeler sa culture et à oser la partager, de faire tomber les barrières habituellement présentes entre collègues ou entre collègues et responsable, d’améliorer ainsi l’ambiance au sein de l’équipe et de favoriser des échanges entre pairs.
Les parents comme acteurs de la revalorisation de la professionnelle de la petite enfance
De ces nouvelles synergies découle logiquement un travail d’inclusion des parents. La visibilité du projet pédagogique est nécessaire pour qu’il ait un impact réel sur toute la structure.
Impliquer les parents de différentes manières
Dans le projet pilote de Sophie Berthaud, les parents ont été sollicités à plusieurs reprises – pour apporter des matières recyclables, des tissus ou encore des instruments de musique des quatre coins du monde.
Un petit concours entre différentes structures a également été mis en place pour que les parents fassent équipe avec l’équipe pédagogique et entre eux.
Enfin, par le biais d’un livre photos et d’expositions ponctuelles, l’avis et l’implication des parents ont été sollicités.
De cette manière, ces derniers ont pu exprimer leurs avis sur les démarches entreprises par l’équipe pédagogique, l’encourager, la remercier et la féliciter.
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Un boost agréable pour les professionnelles de la petite enfance
Cercle vertueux : une plus grande implication des parents signifie une communication plus riche entre parents et professionnelles de la petite enfance – nourrie par les activités quotidiennes menées au sein de la structure.
Entendre de bons retours sur son travail, échanger avec des parents fiers de la structure à laquelle ils confient leurs enfants, se sentir valorisées dans son rôle : tout cela contribue à améliorer la confiance des parents en les professionnelles de la structure. L’art devient ainsi un vecteur de confiance.
Du plaisir sur le long terme – un gage de réussite pour la structure et pour les enfants
Une amélioration du climat de travail et des pratiques
Qui dit confiance retrouvée, dit plaisir de travailler. Dans ce projet-pilote, les professionnelles de la petite enfance se sont beaucoup investies. Plus les semaines passaient et mieux elles définissaient leur identité créative, développaient leur sensibilité et l’envie de poursuivre dans cette voie, d’ouvrir leur écoute et d’affiner leur observation des enfants (notamment en termes de traces sonores et artistiques).
Par ailleurs, les réunions fréquentes, en plus de rassurer les professionnelles et de leur donner plus d’aisance dans le projet en cours, leur permettent de sortir d’une routine parfois pesante, d’enrichir leur vocabulaire et d’élargir leurs horizons de pensée.
Cela a évidemment été bénéfique au niveau de leur pratique professionnelle – comme l’a prouvé un sondage mené tout au long de la mise en œuvre de ce projet. Sur le long terme, ces acquis poussent les professionnelles à poursuivre ce projet et à se former davantage.
Une plus grande créativité au service des enfants
Les professionnelles, plus impliquées dans l’observation des enfants, dans l’écoute de leurs besoins et dans l’écoute des remarques parentales par rapport au projet, deviennent force de proposition en créant de nouvelles activités extrêmement bénéfiques aux jeunes enfants, à leur développement moteur, psychique et sensoriel. Car c’est finalement là que réside le bien-fondé de toute cette démarche : dans ce cercle vertueux – professionnelles épanouies, enfants bien accueillis. L’approche artistique résout magnifiquement cette équation. En regardant l’enfant, la professionnelle s’en inspire ; en s’en inspirant, elle parvient à lui proposer une activité adaptée pour le stimuler. Sophie Berthaud cite par exemple une activité développée à base de pâte à bille dont le bruit sur du cellophane intéressait particulièrement les enfants. Il peut également s’agir d’adapter des ateliers sensoriels par exemple – la douceur d’une plume qui retombe après avoir soufflé dessus, un rythme ou un son émis par l’enfant et reproduit par la professionnelle de la petite enfance pour lui faire découvrir un rythme. Tout est prétexte à l’inspiration et c’est infini… Quelle meilleure nouvelle pour les enfants ?
Ce projet-pilote dessine les contours d’un projet artistique réussi – qui doit impliquer professionnelles, parents et enfants. Un manque d’implication de l’un de ces acteurs menacerait l’efficacité et la pérennité du projet – l’implication de tous prouve au contraire à quel point l’art constitue un outil majeur pour le développement des enfants, pour la revalorisation des professionnelles de la petite enfance, pour le vivre-ensemble et pour la communication entre parents et professionnelles. Dès lors, s’en passer serait se priver d’une richesse accessible et limiter le potentiel des enfants. Une mauvaise idée !
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Le projet pilote en images - des idées pour les professionnelles de la petite enfance
Merci à Sophie Berthaud, pour sa collaboration généreuse et enthousiaste !
Découvrez l’interview de Kumba Traoré, éducatrice de jeunes enfants, sur son expérience de l’approche artistique comme activité pour les jeunes enfants dont elle s’occupe.