Neurosciences et petite enfance : quels apports ?
Cela saute aux yeux : les jeunes enfants sont des êtres dépendants de l’adulte. Mais qu’est-ce que cela signifie réellement ? Certes, il est évident que l’adulte doit répondre à la dépendance physique et physiologique de l’enfant, c’est-à-dire veiller à sa sécurité physique et répondre à ses besoins en le nourrissant, en le changeant, etc. Mais la dépendance de l’enfant est également émotionnelle : en effet, les neurosciences ont démontré ces dernières années que l’enfant a besoin d’être accompagné dans la gestion de ses émotions, pour permettre à son cerveau de maturer dans de bonnes conditions.
Les neurosciences en petite enfance constituent la continuité des recherches sur le développement de l’enfant, mais avec une nouvelle technique d’imagerie qui a permis de découvrir comment le cerveau du tout-petit fonctionne. Ces recherches scientifiques ont démontré que les capacités du jeune enfant sont souvent surestimées par les adultes : en effet, les intentions pédagogiques de l’adulte peuvent être ambitieuses alors que les possibilités de gestion des émotions, de déplacement et de mouvement de l’enfant sont limitées. Mais les neurosciences en petite enfance nous enseignent également que les capacités d’apprentissage de l’enfant sont, dans la période de 0 à 3 ans, extraordinaires - cependant, l’enfant a besoin de l’adulte pour les déployer.
S’intéresser aux résultats des recherches de neurosciences en petite enfance permet donc de comprendre comment l’enfant apprend, de décrypter ses réactions et de répondre à ses besoins de manière adaptée : bref, les neurosciences en petite enfance nous permettent de voir le monde du point de vue de l’enfant !
NEUROSCIENCES ET PETITE ENFANCE : DE QUOI PARLE-T-ON ?
L’avènement des neurosciences cognitives, affectives et sociales depuis la fin du 20ème siècle nous a permis de changer notre regard porté sur l’enfant : rappelons-nous que le terme “enfant” est issu du mot latin “infans” qui signifie “celui qui ne parle pas”. L’enfant était considéré comme un être inachevé, dont l’adulte était le modèle d’achèvement à atteindre. Les neurosciences nous ont au contraire donné à voir que l’enfant n’est pas incomplet, et qu’il n’y a pas de manque à combler par l’adulte.
La nouvelle technique d’imagerie et de l’électroencéphalogramme utilisés par les neurosciences permettent de mesurer l’activité sanguine du cerveau, et ainsi, de voir le fonctionnement du cerveau du jeune enfant. On demande à un sujet de faire quelque chose, et on observe l’activité cérébrale de celui-ci lorsqu’il accomplit la tâche. À partir de ces études, les neurosciences en petite enfance démontrent que certaines zones du cerveau sont déjà entièrement fonctionnelles dès la naissance, tandis que d’autres ne deviennent fonctionnelles qu’en fonction de leur maturation : faire la différence entre les deux permet donc d’ajuster son comportement vis-à-vis de l’enfant pour lui permettre de se développer dans les meilleurs conditions.
Les résultats majeurs produits par les études menées en neurosciences en petite enfance sont nombreux. On peut retenir d’emblée les plus importants :
La qualité de la relation entre l’enfant et l’adulte a des répercussions importantes sur le développement du tout-petit ;
Le cerveau du jeune enfant, jusqu’à ses trois ans, est dominé par son cerveau archaïque et émotionnel sur lequel l’enfant n’a aucun contrôle ;
L’enfant est entièrement dépendant de l’adulte pour gérer ses émotions et pour l’accompagner dans son désir de découverte ;
Lors de la petite enfance, le cerveau est malléable et en construction : c’est le moment le plus adapté pour apprendre au maximum, mais c’est aussi le moment où les difficultés peuvent avoir le plus d’impact sur le développement.
La malléabilité du cerveau du jeune enfant s’illustre en particulier par ce qu’on nomme la plasticité cérébrale : notre cerveau est composé de neurones qui transmettent des informations grâce aux synapses. Les synapses se développent dès la grossesse, et augmentent ensuite de façon très rapide pendant les premières années de vie. Jusqu’à l’âge de cinq ans, plus l’enfant vit d’expériences, plus il développe de circuits neuronaux. Le cerveau de l’enfant se modifie donc en fonction des expériences qu’il vit au quotidien, puisque tout ce qu’il perçoit et découvre du monde qui l’entoure va venir créer une connexion synaptique dans son cerveau !
L’IMMATURITÉ CÉRÉBRALE EN PETITE ENFANCE, UN ENJEU CENTRAL MIS EN LUMIÈRE PAR LES NEUROSCIENCES
Les neurosciences en petite enfance nous apprennent qu’à la naissance, le lobe frontal du cerveau n’est pas mature : cette partie du cerveau joue pourtant un rôle majeur dans nos attitudes, puisque c’est elle qui permet le contrôle et la compréhension. Or, le contrôle se fait sur tout : cela veut donc dire que l’enfant est incapable d’avoir du contrôle émotionnel, cognitif, et même moteur !
L’immaturité cérébrale du jeune enfant se traduit par un grand nombre de manifestations concrètes au quotidien. Par exemple, l’immaturité du lobe frontal l’empêche de contrôler ses émotions, ce qui peut entraîner ce qu’on appelle les tempêtes émotionnelles. L’enfant est complètement submergé par ses émotions sur lesquelles il n’a aucune prise et est incapable de revenir à un état d’apaisement. Dans ce cas, le rôle de l’adulte est fondamental puisqu’il va venir remplacer le néocortex, la zone du cerveau qui n’est pas encore suffisamment développée chez l’enfant, pour l’aider à traverser ses émotions et revenir à un état de bien-être émotionnel. Pour ce faire, l’adulte doit garantir un contact physique, en proposant à l’enfant de le prendre dans ses bras, puisque le contact permet de libérer de l’ocytocine, une hormone qui introduit un sentiment de bien-être et diminue le stress. Accompagner les émotions de l’enfant est essentiel puisque les émotions peuvent avoir un impact négatif sur l’apprentissage du tout-petit : le stress ressenti lorsqu’il a une émotion négative entraîne la sécrétion de cortisol, une hormone qui en grande quantité peut agresser les neurones.
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Les neurosciences en petite enfance ont également démontré qu’en raison de son immaturité cérébrale, l’enfant jusqu’à ses trois ans au moins n’a pas de système d’inhibition. Cela signifie qu’il ne peut pas freiner ou stopper une action en cours - par exemple, il ne peut pas s’arrêter de courir lorsqu’il est lancé en pleine course -, mais aussi qu’il ne peut pas restreindre son envie de faire quelque chose - par exemple, un enfant ne pourra pas freiner son envie de détruire la tour qu’il vient de construire.
L’absence de système d’inhibition chez le tout-petit peut entraîner de grosses difficultés, surtout lorsque ce que l’adulte lui demande est au-delà de ses capacités de contrôle. Le problème se pose notamment lorsque l’adulte demande au jeune enfant de prêter : lorsque l’enfant joue avec un jouet, il entreprend un véritable travail d’analyse qui le mobilise totalement. En raison de son manque d’inhibition, il est incapable d’arrêter cette exploration poussée, cette envie de découverte, pour faire plaisir à un autre enfant.
COMPRENDRE COMMENT LE CERVEAU DE L’ENFANT APPREND GRÂCE AUX NEUROSCIENCES
Grâce aux neurosciences, nous savons désormais que le cerveau de l’enfant n’est pas une coquille vide dans laquelle l’adulte viendrait verser du savoir : au contraire, le cerveau de l’enfant possède déjà toutes les compétences nécessaires pour se développer. Mais pour les développer, il a besoin d’adultes qui le mettent dans les conditions qui lui permettront de développer toutes ses capacités.
Les éléments les plus indispensables aux apprentissages de l’enfant reposent sur l’environnement dans lequel il va évoluer. Celui-ci doit être bienveillant avec notamment un adulte soutenant qui lui garantit sa sécurité affective, tout en étant également stimulant, avec du matériel varié et combinable, où l’enfant est libre d’explorer selon ses envies.
Les neurosciences nous permettent également de comprendre ce qu’il se passe dans le cerveau de l’enfant lorsqu’il apprend, et ainsi de comprendre ses besoins pour favoriser son raisonnement cognitif. L’enfant a notamment besoin qu’on lui permette d’apprendre par lui-même : le laisser explorer et faire ses propres expériences sans consignes de jeux, par exemple par le biais du jeu libre, favorise les apprentissages.
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Le tout-petit a également besoin d’être en mouvement : en effet, les expériences motrices vont activer les zones neuronales de l’enfant et augmenter ses capacités d’apprentissage. Courir, sauter, ramper, etc. est donc nécessaire à l’enfant pour que son cerveau mature : favoriser la motricité libre est ici toute indiquée.
Enfin, pour apprendre, l’enfant a aussi besoin d’être encouragé et félicité par l’adulte qui l’accompagne. Ces encouragements bienveillants viennent activer dans son cerveau ce qu’on appelle le circuit de la récompense, un circuit neuronal qui permet d’accentuer les compétences d’apprentissage et de curiosité chez l’enfant. Lorsque l’enfant est sécurisé affectivement par la présence d’un adulte qui l’encourage, son cerveau sécrète des hormones de plaisir… Ce qui va lui donner encore plus envie de continuer à apprendre !
Comprendre le développement cérébral de l’enfant, en comprenant la manière dont il perçoit le monde et comment il y évolue, permet de se positionner au plus près de ses besoins et de garantir une bonne maturation de son cerveau.