Émotions du jeune enfant – valoriser le positif pour le renforcer

Évoquez les émotions des enfants et attendez ! La boîte de Pandore finit toujours par s’ouvrir pour laisser s’envoler anecdotes, petits drames ou grandes histoires sur les émotions des jeunes enfants. Parents ou pros de la petite enfance, tous cherchent à les accompagner et à vivre avec en toute sérénité. Entre approches théoriques, neurosciences et pratique quotidienne, il y a parfois un monde… que nous avons entrepris d’explorer avec Aurélie Crétin, psychologue en thérapies comportementales et cognitives, spécialiste des enfants*.

Accompagner les enfants face à leurs émotions plutôt que de les aider à gérer leurs émotions 

 « Il est compliqué de faire des généralités », commence Aurélie Crétin. Certains enfants, poursuit la psychologue, sont plus touchés par les tempêtes émotionnelles, d’autres par la tristesse ou par la vexation. L’émotion a le droit d’être là, c’est « humain ». C’est sur le comportement qui résulte des émotions qu’il peut être important de s’interroger, et parfois de travailler – surtout quand cela a un effet sur la relation du tout-petit à l’autre ou devient, plus tard, la conséquence d’un isolement du groupe.

Les émotions, nécessaires

Nécessaires, les émotions nous permettent de réagir face à notre environnement et parfois de se protéger. Mais comment les définir précisément ? Aurélie Crétin les qualifie de « sensations physiques naturelles qui viennent de l’intérieur avec le besoin irrépressible d’aller vers l’extérieur, utiles et sans lesquelles on ne peut pas vivre ». Insister sur cela auprès du tout-petit est fondamental : les émotions sont nécessaires et il serait totalement vain d’inviter l’enfant à les ignorer ou à les réprimer… vain et contre-nature.

Un manque de maturité face aux émotions

Une fois cela en tête, il faut aussi, pour accompagner l’enfant correctement, avoir conscience que son cerveau est en construction et qu’il continue à se développer. Le tout-petit n’a pas les armes pour se calmer ou se raisonner seul. Penser qu’il peut se « canaliser » ou « gérer » ses émotions serait illusoire. En cas de tempête émotionnelle, sachez qu’il ne comprend pas ce qu’il lui arrive et ne sait pas le verbaliser. Image à l’appui, l’enfant est submergé par ses émotions, un peu comme on le serait par une tempête qui arrive sans crier gare. Il n’est pas facile pour lui d’accueillir ce phénomène impressionnant. Le rôle de l’adulte est de l’amener à comprendre ce qui se passe et, progressivement, à en parler. Verbaliser ce que ressent le tout-petit (même si ce ne sont que des hypothèses) l’aide à mettre des mots sur son émotion et à l’apprivoiser.

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Et vous, à leur place ?

Car au-delà même de la maturité nécessaire à l’accompagnement des émotions, l’enfant vit parfois des choses face auxquelles il est compliqué de rester de marbre. Vous est-il déjà arrivé de vous mettre à la place d’un tout-petit ? Que seriez-vous en mesure d’accepter ? Que feriez-vous, par exemple, si l’un de vos proches venait vous arracher votre nouveau téléphone ? Ou que l’une de vos amies sautait dans les bras de votre mari ? Comprendre l’émotion de l’enfant et voir comment elle nous impacterait en tant qu’adulte permet également de mieux comprendre les mécanismes émotionnels qui sont activés lorsque les tempêtes émotionnelles se déclenchent… et de mieux les accompagner.

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Changer de perspective et proposer un cadre adapté à leur âge aide le jeune enfant à grandir émotionnellement

Se souvenir que nous sommes leur seul modèle

D’autant plus que les enfants se nourrissent de ce qu’ils voient et apprennent de ce qu’on leur montre. Pour agir sur l’expression d’une émotion chez l’enfant, une piste est de travailler sur ses propres émotions et sur la façon, dont nous, adultes, les gérons. Si l’on crie beaucoup, si l’on réagit avec vigueur à tout ce qui nous touche, il est très probable que le tout-petit, avec lequel on partage son quotidien personnel ou professionnel, fasse de même.

Dans ce cas, expliciter ses propres émotions, les décrypter (sans trop s’y attarder pour autant) aide l’enfant à comprendre ce qui est en jeu chez l’adulte, et, par un mécanisme de mimétisme, ce qui se passe chez lui lorsqu’il est en colère ou triste par exemple.

S’attarder sur le positif

Les réactions négatives que nous évoquons ici ne sont pourtant pas systématiques. On s’y attarde car elles requièrent beaucoup de patience : on passe beaucoup de temps avec les enfants qui se laissent déborder par le flot de leurs émotions. Mais quel message leur fait-on ainsi passer ? Ne serait-ce pas quelque chose du genre : « Si je veux de l’attention, je fais une énorme colère » ?

Pour sortir de ce cercle vicieux (réaction très négative, attention, recherche d’attention, réaction très négative, etc.), une idée est de valoriser les moments où le tout-petit arrive à être en paix avec son émotion. Un exemple ? Lorsque, face à une émotion forte, il reste non-violent envers l’un de ses petits copains. Encourager ce genre de réactions positives et la récompenser par le biais d’un compliment ou d’un câlin par exemple, peut changer la donne. L’enfant comprend ainsi qu’il peut résister à la violence et qu’il n’est nul besoin d’avoir peur de ses émotions. Fort de ces convictions, il développera progressivement un comportement de plus en plus adapté.

Instaurer un cadre qui prend cela en considération

Pour autant et parce qu’il n’en va pas toujours ainsi, il est important de mettre en place un cadre et des limites. Comprendre et accueillir les émotions, c’est aussi dire non aux réactions incontrôlées et faire en sorte, en tant que professionnelle ou parent, de ne pas favoriser le terreau qui les fait germer.

En quelques mots, cela consiste à :

  • Avoir un cadre adapté à l’âge de l’enfant afin de ne pas lui dire non sans arrêt

  • Avoir recours à un modèle (image, objet qui montre l’émotion) pour aider l’enfant à verbaliser

  • Mettre en place des rituels pour passer d’une activité à une autre

  • Disposer de pictogrammes ou de visuels pour accompagner les émotions et en parler ensemble (comme par exemple le nuancier des émotions)

  • Éviter les stimuli trop importants (certains enfants ne supportent pas le trop plein de lumière ou de bruit)

  • Proposer des jeux adaptés à l’âge de l’enfant

  • Sécuriser l’enfant émotionnellement (lui montrer qu’il est important pour nous et qu’il ne se définit pas en fonction de ses émotions)

  • Faire des câlins aux enfants submergés par leurs émotions

  • Montrer à l’enfant qu’il peut agir autrement

  • L’encourager dans ses réactions positives

  • Ne pas plaquer d’étiquettes sur les enfants (si l’on répète sans cesse qu’un enfant est colérique, il le sera dans un souci d’exister à nos yeux).

Pour résumer : si vous parvenez à mettre en place un cadre qui permet aux enfants d’être des enfants et de vivre avec leurs émotions qui sont, rappelons-le, à la fois une manière pour eux de communiquer, de digérer une situation désagréable ou excitante, et enfin de se remplir de carburant plaisir, vous contribuer à leur fournir des ressources pour faire face, plus tard, à des situations difficiles. Quel métier incroyable vous faites !

*Qui est Aurélie ? Psychologue en thérapies comportementales et cognitives, spécialiste des enfants, Aurélie est enseignante au sein de différentes universités et l’auteure de Vivre mieux avec les émotions de son enfant, paru aux éditions Odile Jacob en 2013.

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